Café Liégeois #7: Yannick Lemoine / Squid Studio

Yannick, à la base, c’est un pote de pote de pote –je n’apprends à personne que le monde est petit, surtout à Liège. Mais Yannick, c’est aussi et surtout un musicien, compositeur et producteur de musique. C’est pour cette raison qu’il m’a ouvert les portes de son petit (home) studio, le Squid Studio, bien caché mais idéalement situé en Neuvice. On a papoté d’un tas de choses, mais principalement de son boulot et du fonctionnement du studio.
Au menu : Le grand mystère de la production (pour ceux qui n’y connaissent rien), la passion chipotage méticuleux, et quelques uns de ses projets musicaux.
Le jour où je suis passée le voir, il partait le soir même assurer un concert avec Ulysse, dont on vous avait déjà présenté un des membres, Benoît (puisqu’on vous dit que le monde est minuscule à Liège).
Avant ça, il y a quelques semaines, Yannick revenait tout juste d’un périple aux Etats-Unis, où il se rendait avec un pote jazzman à New-York, ainsi que pour y visiter les studios mythiques de la côte est et réaliser un stage au studio Welcome to 1979 à Nashville.
À côté de ça, il continue de bosser aussi bien dans la pub qu’avec des groupes liégeois, ou encore sur ses propres projets musicaux.
La vie d’artiste, on vous dit.
Yannick a fait des études d’ingénieur du son à la SAE (School of Audio Engineering) à Paris. A la base, il est musicien. C’est par la suite qu’il s’est de plus en plus intéressé aux dimensions pratiques de la musique, ce qui lui permet aujourd’hui de monter son propre studio. L’avantage de son parcours, c’est qu’il a une démarche artistique qu'on ne retrouve pas forcément chez tous le ingés son.  Son profil, c’est d’abord d’être créatif, puis d’affiner la technique.

L’activité principale de Yannick,  c’est de composer de la musique. Tous les jours. Tout le temps. 
  • Soit en faisant de le composition à l’image, donc en composant pour de la pub, des films ou du contenu Internet 
  • Soit en faisant de la production et de l’arrangement pour les groupes

Justement, en parlant de la production : c’est un terme qu’on entend beaucoup, mais qui reste un peu flou pour les non-initiés… C’est quoi au juste ? En fait, c’est l’activité au carrefour entre l’ingénieur du son et le compositeur. Donc, le travail du producteur artistique est foncièrement différent de celui du producteur au cinéma, qui lui a clairement un rôle financier. L’arrangement, par contre, c’est la définition des lignes d’instruments qui seront jouées pour que tout fonctionne ensemble dans un morceau de musique. Ces tâches incluent des notions de composition : bien que Yannick n’amène pas l’idée de base, il doit rester créatif vis-à-vis de celle-ci. C’est cette position un peu paradoxale qui fait que son boulot est parfois difficile à comprendre.
Producteur, c’est aussi un peu un métier de l’ombre. Clairement, ce boulot n’est pas fait pour ceux qui aspirent à avoir leur nom affiché partout et une reconnaissance exceptionnelle. On voit souvent Yannick comme un ingénieur du son, ce qui n’est pas faux, mais plutôt réducteur. Ce qu’il trouve « marrant », c’est  quand, aux concerts des groupes qu'il produit, on vient le voir et on lui demande « Et toi, tu fais de la musique aussi ? » : Ça tombe bien, c’est justement ce qu’il fait chaque jour depuis presqu’une décennie! 


Revenons au Squid Studio : entre le home studio et le studio pro, sans être complètement un studio d’enregistrement, c’est avant tout un lieu de production, d’arrangement et de composition. Bon, pas sûr que les nuances soient faciles à saisir. Le résultat, en tout cas, c’est un (tout) petit studio, intimiste, avec du bon matériel, toute une collection de synthés et une décoration hyper rétro choisie avec soin (un article de ce blog sans un point sur la déco ne serait pas réellement un article de Boulettes à la Liégeoise, n’est-ce pas. Et impossible de faire abstraction sur cet aspect ici; je veux dire, il y a même une lampe faite avec un poisson diodon ).
L’objectif, c’est de proposer du matériel qui n’a rien à envier à un grand studio, le tout dans une petite structure, et en développant un aspect réellement créatif -en gros, on est très loin de la production à la chaîne.
Et comment ça se passe du coup, concrètement, quand on vient au studio ?

Alors, les groupes arrivent avec leur chanson, et Yannick décide ce qui est bien et ce qui est nul.
Voilà.
Bon, c’est un peu plus constructif que ça, quand même. En fait, ça l’est beaucoup plus : son but, c’est aussi d’essayer de faire émaner quelque chose, de dialoguer, d’agir en fonction des gens et de ce qu'ils ont en tête. Pour lui, « il n’y a jamais de mauvaises idées, il n’y a que des idées mal présentées ». On parle, on change quelques trucs, on essaye rendre les choses intéressantes et personnelles. En quelques mots : n’allez pas au Squid Studio si vous n’êtes pas prêt à discuter de votre projet et de vos idées. 
Yannick propose une expertise en matière de synthés, de beat, de programmation. L’idée, c’était d’avoir un lieu où on peut développer les choses en prenant le temps de les faire correctement, de se poser et de chipoter. Le chipotage, justement, voilà un mot qui caractérise bien la démarche de Yannick ;  c’est à entendre au sens le plus noble du terme, de la part d’un gars qui connaît vraiment bien ses machines, qui sait ce qu’il fait et qui cherche toujours à affiner les choses.
Parfois, ce chipotage pointilleux va même au-delà de la musique ; parce que la littérature anglaise, la grammaire et les tournures de phrases lui tiennent à cœur,  Yannick aide parfois à retravailler les paroles des chansons avec le groupe. Toute personne ayant déjà écouté la radio sait que, bien que la plupart des chansons soient en anglais, cela est bien loin d’être synonyme de paroles dans un bon anglais…

C’est cet amour du chipotage qui fait que Yannick aime bien bosser avec un groupe comme Ulysse, parce que leurs démarches collent bien ensemble à ce niveau :

Auparavant, Yannick a bossé avec le groupe liégeois La Plage, sur le morceau Rendez-vous :

Il suffit de s’être un peu penché sur la (petite) scène musicale liégeoise pour avoir déjà entendu l’un ou l’autre des morceaux sur lesquels Yannick a travaillé. Et même sans ça, ces morceaux passent sur les ondes de Pure FM et Studio Brussel… quand les groupes décollent et commencent à avoir une petite visibilité, c’est hyper gratifiant. C’est le cas du tout récent et prometteur groupe Beffroi :

A l’avenir, Yannick aimerait proposer le « package complet » : musique et montage vidéo. A force de bosser avec des vidéos de qualité lorsqu’il travaille sur des publicités,  il commence à s’y intéresser. Travailler sur le lien entre l’image et la musique est vraiment un truc qui lui plaît, c’est une expérience géniale. Même si ce n’est pas toujours simple, parce qu’il faut être hyper réceptif : « On te demande d’être créatif, et des fois de ne pas l’être ». Niveau pub, Yannick travaille notamment sur des projets pour Val Thorens, Val d’Yser, la Ville de Liège,  New York Color, et EDF. Plutôt varié, donc.
Voilà un chouette aperçu de ce que c’est que de composer de la musique en fonction de l’image :

A côté de ça, j’ai voulu savoir si Yannick avait des projets personnels. Son boulot le rend forcément hyper pointilleux avec sa propre musique ; ce qui l’intéresse c’est de faire quelque chose qui lui plaira vraiment, à lui. Quitte à faire quelque chose sous son propre nom, autant en être super content, même si cela n’implique pas un gros succès.
Pour l’instant, il a principalement deux projets. Le premier, qu’il qualifie de « pop anxiogène » selon ses propres termes,  est influencé par ses groupes favoris : Mini Mansions, Tame Impala , St. Vincent, Beach Boys, Mac Demarco et The Paper Chase… ( des groupes qui me parlent plutôt pas mal, si vous écoutez mes playlists). Le second, plus électronique, inspiré de la beat scene de Los Angeles, avec des influences plus R’n’B et Glitch.
Lentement mais sûrement, les choses se mettent en place. Il a fait écouter quelques trucs à des gens calés du milieu, et bien sûr, avoir un retour enthousiasmé sur sa musique par Tyler Parkford de Mini Mansions, ça motive.

On attend (avec hâte) de voir comment ça va se concrétiser, mais cette petite entrevue était déjà un chouette aperçu. Quand on adore la musique mais qu’on ne s’y connaît pas forcément au niveau technique, ce qui est mon cas, on n’a pas forcément idée de tout le travail qu’il y a derrière un morceau. À l’inverse, il faut parfois faire une petite opération mentale quand on est hyper calé pour savourer la musique... Pour Yannick, « c’est du déni, et c’est joli, le déni, parfois ».
Bien dit.

( La page facebook du Squid Studio )


Article de Jules

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